Auteur: Vasile Astărăstoae

Abstract: The complexity of medical acts in modern medicine (induced by the technical scientific progress) correlated to the new pathologies that essentially change the indicators of the health state (especially morbidity, mortality and avoidable mortality) poses major challenges for the medical education, which is compelled to adapt to these realities. A response to such challenges is possible only with the contribution of medical pedagogy. Among the multiple issues, the following are highlighted: the manner of selecting future students, the predominance of information over medical formation and knowledge assessment.

The conclusion is that individualized medical education is the future of medical education. All these can be brought into focus in a heuristic medical pedagogy involving intellective components (developing decisional thinking especially when facing professional dilemmas), affective components (sensitivity and abnegation for the human being) and volitive components (developing a tendency to care for and help).

Key words: medical pedagogy, medical education, humanism, dehumanization

En 1975, pendant l’une des réunions de pédagogie médicale organisée par l’Organisation Mondiale de la Santé, à Copenhague, on mettait en évidence le manque de formation pédagogique moderne des enseignants de la plupart des Universités de Médecine de l’Europe et on concluait qu’il est absolument nécessaire qu’on développe l’enseignement médical et qu’on fasse son analyse sur la base des suivants critères :

  1. L’assemblage harmonieux et flexible de l’enseignement médical avec les soins médicaux pour la population (la protection de la santé) et avec la recherche scientifique médicale.
  2. L’accentuation de l’enseignement médical permanent par des plans flexibles inclus sous le nom d’éducation médicale continue.
  3. La réceptivité envers les nouvelles technologies de la pédagogie et surtout de la pédagogie médicale.
  4. La décongestion des plans d’enseignement de licence ayant pour but la création de la culture générale médicale et les multiples spécialités, sur-spécialités, etc. seront la responsabilité de l’enseignement de spécialisation et permanent.
  5. Le besoin de la formation pédagogique organisée et construite sur des bases scientifiques pour les médecins qui font le choix de suivre une carrière dans l’enseignement médical.

Ces recommandations me font penser à l’œuvre du patron de notre université, Grigore T. Popa, qui signalait quelque chose de similaire dans Problèmes de l’enseignement supérieur (1930) et  Réforme de l’esprit (1944). Pour Grigore T. Popa, l’Université n’était pas une simple unité d’enseignement, mais une institution de culture et science qui initie et forme des mentalités d’élite, qui forme des individualités professionnelles qui à leur tour concentrent les valeurs de la profession et vont les promouvoir dans la société. A cet égard, le devoir du formateur est de découvrir et d’éduquer la vocation pour la médecine et après, de stimuler l’enthousiasme permanent pour la compétence. Dans ses ouvrages de pédagogie médicale, Grigore T. Popa insiste sur le fait que la leçon didactique doit être une ouverture vers la profession et les principes de l’éducation doivent être reconstitués en permanence, ce qui fait le passage du présent vers l’avenir. L’instruction doit être seulement un élément, l’éducation c’est le but final. En d’autres termes, pour Grigore T. Popa, la formation des futurs médecins était représentée surtout par le développement de la vocation pour la profession médicale et de l’empathie médicale. Le rôle éducatif de l’Université était de satisfaire le besoin de « savoir, savoir-faire, savoir être ». Cela réfléchissait en fait l’éthos de la profession médicale dévoilé par la tradition : la tradition asklépienne (savoir, faire) et la tradition samaritaine (être).

Les deux repères temporels qu’on a cités montrent que la pédagogie médicale (partie de la pédagogie générale comme forme applicative et particulière), représente une démarche nécessaire de l’époque moderne. Cela d’autant plus qu’il y a le danger « de la déshumanisation de la profession médicale » par une série de facteurs qui l’influencent : la rationalisation des ressources en médecine, le fétichisme de quelques concepts (médecine basée sur des preuves, guides, protocoles), l’hyper-technologisation, la sur-spécialisation, la fragmentation de l’enseignement médical etc. En conséquence, peu à peu, l’homme (le patient) devient de sujet, un simple objet. Il résulte ainsi la question naturelle: y-a-t-il une crise de l’enseignement médical ? Si oui, où se manifeste-t-elle ?

De l’expérience de plus de 40 années, je pourrais dire qu’à présent il n’y a pas une crise proprement dite, mais qu’il y a des éléments qui peuvent conduire vers une telle crise. Je voudrais seulement énumérer quelques risques sur lesquels la pédagogie médicale, par le spécifique scientifique et éthique-culturel, peut intervenir pour les éliminer.

 

Crise de la sélection

A présent, les universités de médecine de Roumanie sélectionnent les futurs étudiants en faisant appel exclusivement à leur mémoire, aux connaissances qu’ils ont acquises. L’examen d’admission est fétichisé et rendu très difficile, sans aucune préoccupation quant au décèlement des qualités étiques-affectives pour la profession médicale des candidats. Il y a une vraie compétition de faire introduire à l’examen d’admission quelques matières qui, dans la vision des formateurs, seraient absolument nécessaires au futur médecin. On met l’accent exclusivement sur la mémoire. On oublie en fait que le processus de sélection ne peut pas être résolu uniquement par l’évaluation de l’acquisition de certaines connaissances. On fait abstraction du fait que la médecine est une profession humaniste qui utilise les résultats des sciences techniques. En plus, il est limité, sinon même exclus, l’accès des candidats avec une formation humaniste étant donné que les disciplines obligatoires sont la Chimie, la Physique et la Biologie. Il en résulte une question légitime : pourquoi d’autres disciplines peut-être même plus importantes pour la profession (comme la Philosophie, la Psychologie, etc.) sont-elles exclues ? Les attributs motivationnels et vocationnels dans l’accomplissement de la profession médicale sont définis dans la pédagogie médicale comme un dépassement permanent par compétence, sensibilité et passion pour l’homme malade et comme une expression de la tradition samaritaine de cette profession. Et alors, comment évaluer ces caractéristiques par un simple examen qui fait une radiographie de moment de certaines connaissances ? Vu cela, les grandes Universités de Médecine de l’Europe et des Etats-Unis de l’Amérique ont renoncé en grande partie au simple test des connaissances et ont introduit des systèmes de sélection plus sophistiqués, centrés premièrement sur l’évaluation de la motivation et de la vocation pour la profession médicale. Une telle modalité de sélection a été initiée aussi dans le cadre de l’Université de Médecine et Pharmacie Grigore T. Popa de Iaşi pour les filières d’étude en langue française et anglaise. La sélection a été faite tant par l’évaluation des connaissances (mises en évidence par les résultats obtenus à l’examen de Baccalauréat), que, surtout, par la prise en considération des activités extracurriculaires déroulées par les candidats (bénévolat, activités culturelles, etc.). Il est encore trop tôt pour une conclusion, mais selon mon avis, une telle évaluation est beaucoup plus proche du but d’une sélection de candidats avec une vraie vocation pour la profession.

 

La prédominance de l’information par rapport à la formation médicale

La prédominance de l’information par rapport à la formation médicale de l’étudiant et la négligence du trinôme savoir – savoir-faire – savoir être représente une autre caractéristique de l’enseignement médical. On se trouve devant deux dangers avec le risque de dépersonnaliser l’enseignement médical et l’étudiant. D’une part, l’excès d’informations (qu’on ne peut pas assimiler en totalité) et d’autre part, la perte de la motivation par l’absence de la subjectivisation  des messages de la profession. On entend toujours le syntagme la médicalisation de l’enseignement médical. Sous cette couverture, on oublie l’objectif de l’enseignement médical, notamment celui de former des médecins. Sous ce prétexte, les disciplines qui peuvent aider le futur médecin à intégrer ses connaissances et à s’intégrer dans les valeurs universelles de la société ont été soit exclues, soit marginalisées, je fais référence ici à la Philosophie (surtout à l’Anthropologie philosophique), à la Psychologie médicale, à la Sociologie, à la Linguistique et au Multiculturalisme etc. En revanche, on a introduit (en invoquant le progrès des sciences médicales) toute sorte de sous ou sur-spécialisations qui sont en réalité de la compétence de l’enseignement postuniversitaire de spécialisation ou sur-spécialisation ou de la compétence de l’éducation médicale continue. On assiste ainsi à la suffocation didactique des étudiants dans un enseignement grégaire et non individualisé pour la médecine. On assiste au manque d’hiérarchisation authentique des valeurs didactiques qui expriment en fait le manque des modèles médicaux authentiques. Travaillant avec l’homme, le futur médecin doit le comprendre et comprendre les valeurs auxquelles celui-ci se rapporte, il doit être compétent, mais en même temps tolérant et capable d’entrer en syntonie affective avec son partenaire. La médecine pratiquée dans un but exclusivement « libéral » où le malade est un simple client, détermine décisivement une crise de la médecine. C’est pour cela que dans le processus éducatif il ne faut pas exclure les valences axiologiques de la profession.

 

L’évaluation des connaissances

C’est un problème essentiel de l’enseignement médical. Une telle évaluation doit être objective et objectivable. Elle doit se rapporter tant à la compétence par connaissances, qu’à la compétence par la subjectivation des messages de la profession. La médiocrité médicale ne peut pas décider le sort des soins médicaux, mais la compétence et la dédicace. Pour la médecine, l’indulgence est deshumanisante, l’incompétence peut produire « des maladies », mais aussi l’exigence absurde, le désir d’un enseignant de faire montrer sa supériorité et d’humilier l’étudiant a le même effet. Dans l’évaluation, il ne faut pas exclure les éléments qui impliquent la conscience de la responsabilité du médecin.

 

En conclusion, il y a ci-dessus seulement quelques arguments qui montrent qu’un enseignement médical individualisé représente le futur de l’éducation médicale. Tout cela peut se concentrer dans une pédagogie médicale euristique qui implique des éléments intellectifs (la formation de la pensée décisionnelle surtout face aux dilemmes professionnels), affectifs (la sensibilité et l’abnégation pour l’homme) et volitifs (la formation de l’esprit de soigner et d’aider). Un enseignement médical efficace est celui qui n’exclut pas les disciplines humanistes et qui développe les aptitudes pour la culture générale et pour la culture médicale. En conséquence, d’une pédagogie de l’écoute et du conformisme, il faut passer à une pédagogie de l’aspiration et de la création. On a besoin d’une formation systématique des formateurs et d’exclure le dilettantisme de l’autoformation.