Auteur: Olivier Armstrong

 

Abstract: Learning occupies a highly important place in the field of pedagogy and it relates to all disciplines and professions. The purpose should be to acquire competence, which can result in configuring expertise. For the field “sciences de la santé”, an important role is played by the guide who essentially helps achieving progress. The learner acquires “savoirs”: declarative, action-related and behavioural, which complete each other. On the other hand, the learner acquires competence by going through a series of stages: unconscious incompetence, conscious incompetence, conscious competence, and automatic competence. Nevertheless, learning is not time-limited because continuous training is indispensable

Key words: learning, competence, expertise, continuing education

Introduction

Dans le vaste domaine de la pédagogie, l’apprentissage revêt une importance capitale. Tous les métiers, toutes les disciplines, sont intéressés et sont confrontés aux mêmes problèmes. A savoir l’apprentissage avec son côté de mise en  pratique. Ce qui, à force de travail et de persévérance, conduira vers la compétence, peut être… ? Il s’agit donc d’un long cheminement, difficile, et l’on pourrait parler de chemin qui mène vers la compétence, ou bien de route vers l’expertise.

 

Définitions

Mais qu’est-ce que c’est l’apprentissage ? On pourrait le définir comme un processus complexe, un long travail à effectuer sur le chemin qui permettra de rassembler l’ensemble des savoirs, tous les savoirs. Cette mobilisation des connaissances, qui évolue de manière continue, répétitive, ne se fait pas toute seule. Si l’auto-apprentissage tient une place non négligeable, le rôle d’un guide, d’un tuteur est fondamental pour aider lors de ce processus. Ces quelques mots ont tous un sens et rassemblés ils devraient permettre de permettre une évolution vers la compétence. C’est-à-dire la capacité, dans un contexte donné d’analyser, d’identifier les problèmes. Et fort de l’expérience, de tenter de trouver des solutions, des réponses aux questions. Et ceci dans quelque domaine que ce soit.

 

Pertinence de la problématique en sciences de la santé 

Pour le domaine des sciences de la santé,  il faut essayer de répondre en traitant pour soulager, si possible. Ainsi dans ce processus complexe, de très nombreux facteurs, paramètres interviennent. Le guide a sur le chemin une fonction importante puisqu’il réactive au préalable les connaissances antérieures. Il doit mettre en confiance l’apprenant et lui apporter des éléments nouveaux : l’aider à progresser, en le conseillant, en le corrigeant, en le guidant. Et il a été prouvé que, même si cela peut paraître évident, plus l’entente est bonne entre tuteur et apprenant, meilleure sera la transmission et la faculté d’apprendre. Mais les difficiles relations humaines sont souvent un frein à l’apprentissage … Le tuteur, ou maître de stage, apporte de nouveaux éléments pour que l’apprenant pave son propre chemin. Il doit façonner ces nouveaux matériaux, après en avoir vérifié la véracité. Le doute, la remise en question, étant nécessaires pour ne pas accepter n’importe qu’elle information. Puis il les  adaptera, en fonction de sa propre structure mentale, de son raisonnement, pour construire lui même son chemin en adaptant. Et comme le dit J.H. Barrier : « La connaissance ne se reçoit pas, elle se construit » (in Pédagogie Médicale). Ainsi donc l’apprenant doit réunir des savoirs. Et ils sont de trois types : les savoirs déclaratifs, les savoirs d’action, les savoirs comportementaux.

  1. S’agissant des savoirs déclaratifs, c’est ce que l’on nomme volontiers le Savoir. C’est-à-dire les connaissances brutes, vérifiables, théoriques, que l’on pourra facilement retenir « par cœur ». Il s’agit donc d’une masse énorme de connaissances, infinie même, qui remplit la tête. Celle-ci sera bien pleine, peut être trop, mais sera-t-elle bien faite ? Ce savoir brut, sera très facile à évaluer car il s’agit de ressortir des connaissances livresques, brutes.
  2. Les savoirs d’actions sont beaucoup plus complexes. C’est ce que l’on appelle le Savoir Faire. Et on en distingue deux types : le savoir procédural et le savoir conditionnel. Il associe bien sûr un certain nombre de connaissances initiales, aux habiletés de l’apprenant. Chacun ayant des capacités différentes. C’est le passage à la pratique, à la création. Et ceci étant bien plus complexe à évaluer.
  3. Les savoirs comportementaux correspondent au Savoir Etre. Ils remontent à la naissance puisque tout dépendra de l’éducation reçue, du milieu socio-culturel, et traduira l’attitude, le comportement (behaviour des anglo-saxons à l’origine du behaviorisme). Ils permettent d’expliquer certains aspects des rapports humains, où l’éthique ne doit pas être oubliée. Et seront donc beaucoup plus difficiles à évaluer, dépendant de chaque individu en fait.

Ainsi ces trois types de savoirs, peuvent-ils être regroupés, comme le disent les anglo-saxons sous le terme les trois « H » : Head pour le Savoir, Hand pour le Savoir Faire, et Heart pour le Savoir Etre. Ces trois savoirs ne s’opposent pas mais se complètent. Pour revenir au savoir-faire, son expression la plus élaborée est bien au niveau de la main. En effet chez l’Homme, il y a trois cortex : l’archéo le plus ancien, le paléo et le néocortex le plus récent. Au niveau du cervelet, on retrouve ces trois étapes, et ceci montre bien l’évolution au cours du temps, de la phylogénèse. Le poisson, en effet, n’avait besoin que d’un archéo cerebellum pour se mouvoir dans l’eau. Les amphibiens, ensuite, ont eu besoin d’un paléo cerebellum pour lutter contre les effets de la pesanteur, une fois sortis de l’eau, et se déplacer. L’homme enfin, dans sa version la plus élaborée, a besoin d’un Néo cerebellum pour coordonner tout cela, qui s’exprime très bien au niveau de la main,  en particulier. N’est-elle pas l’élément le plus élaboré, la fin du long faisceau volontaire cortico – spinal ? L’expression même d’une action motrice, volontaire qui permet de serrer la main en regardant pour dire bonjour. Ainsi la main est-elle la prolongation même du cerveau, de même que le nerf optique et l’œil qui regarde la personne que l’on salue. Ce savoir-faire se retrouve tous les jours dans tous les métiers. L’exemple du potier, du menuisier, de tout artisan est très clair. Il va travailler l’argile, le bois, en en connaissant les caractéristiques mais en lui donnant une personnalité, le façonnant à son idée selon son souhait, et ainsi la pièce créée sera originale, unique, la sienne.

Toute la difficulté de l’apprentissage étant le passage de la théorie à la pratique. De l’abstrait au concret, à la réalisation. Une phrase de nos amis Québécois, résume bien à mon sens, ce passage, cette transition, si difficile :

«  Dis moi et j’oublie,

Montre-moi et j’apprends,

Mais fais-moi faire et je me souviens ! ».

Autrement dit peu importe les paroles, la théorie, il faut montrer certes mais surtout aider concrètement l’apprenant à faire. Aider à pratiquer, créer, à faire. C’est ici que s’exprime le rôle majeur du compagnonnage et de la relation apprenant/ enseignant évoquée plus haut.  Ainsi progressivement, et de façon répétitive, avec entraînement, le novice va-t-il devenir très progressivement compétent. Du moins passera-t-il du statut d’inexpérimenté à celui qui veut devenir compétent. Et l’on peut schématiquement, alors, définir quatre stades principaux dans cette acquisition de compétence :

  1. Celui qui, par exemple, veut traverser un fleuve dans une région méconnue, pense que c’est facile. Mais il ne connait rien, ne maîtrise rien. Il est à la fois incompétent et inconscient (des risques ou dangers). C’est donc le stade de l’Incompétence Inconsciente.
  2. Il essaie donc en pensant que c’est simple, mais le courant, la profondeur, l’instabilité du sol, et tout ce qu’il y a dans le fleuve lui font vite comprendre qu’il ne maîtrise rien et ne sait rien, ou pas grand-chose. Il réalise alors que ce n’est pas si simple qu’il y paraît, et qu’il y a des dangers. Il reste ainsi incompétent certes mais en ayant conscience de cela. C’est le stade de l’Incompétence Consciente. Il réalise alors qu’il doit progresser car il voit ses limites. Il devient métacognitif. La Métacognition étant l’étape certainement la plus importante dans ce long processus. La remise en question, « je sais que je ne sais pas ! ».
  3. Et comme il veut progresser, arriver à ses fins, atteindre le but qu’il s’est lui-même fixé, il intégrera alors les avis de ceux qui ont de l’expérience, les conseils des autres, les savoirs de son tuteur. Il prendra aussi en compte le contexte. Et adaptera ses possibilités, en fonction de ses propres capacités, pour devenir compétent de façon consciente. Cette étape demandant beaucoup d’énergie, de répétitions, de persévérance. C’est le troisième stade, celui de la Compétence Consciente.
  4. Et grâce à l’habitude, l’entrainement, les efforts répétés, il acquerra une certaine expérience. Aidé par la motivation qui est un moteur indispensable, il se forgera sa propre expérience en s’auto-évaluant à toutes les étapes de cet apprentissage. La motivation, qu’elle soit intrinsèque ou extrinsèque, est un facteur capital de la réussite et donc de l’apprentissage. Il deviendra alors compétent, avec un certain degré d’automatisme. Mais pour cela : « Sur le métier, cent fois remettez votre ouvrage ! ». C’est le stade de la Compétence  Automatique (terme qu’il vaut mieux préférer à celui d’Inconsciente).

Ainsi, sur le chemin l’apprenant progresse, fait son apprentissage, acquiert de l’expérience, mais il vieillit!

L’apprentissage menant vers la compétence, il est classique de citer les quatre grands types de compétence, quel que soit le milieu de travail. La compétence diagnostique d’abord qui permet de faire un état des lieux ; puis celle d’investigation qui permet ensuite de vérifier par tous les moyens disponibles, les hypothèses avancées. Celles-ci pouvant être confirmées ou infirmées. La compétence thérapeutique qui permet de prendre une décision, dans un contexte donné, pour trouver des solutions aux problèmes. Et enfin la compétence d’éducation qui doit permettre d’expliquer, de faire comprendre. Dans le domaine des sciences de la santé, en particulier, ceci se vérifie bien sûr tous les jours devant telle ou telle situation clinique, toujours différente. Le but de la compétence étant de soulager en expliquant pour être bien compris et avoir un bon suivi, donc un résultat.

 

Conclusions

C’est pour cela que nos « sociétés savantes » nous imposent le consentement éclairé. Il s’agit, pour les praticiens qui n’expliquaient pas et ne communiquaient pas, de leur faire comprendre, admettre et surtout passer du temps pour expliquer simplement les éléments de base à leurs patients. Ainsi l’apprenant, ou le patient se trouvent-ils situés au centre de la spirale de l’éducation ou du problème. La boucle est-elle bouclée pour autant ? Pas du tout, puisque dans tous les domaines, la formation continue est  indispensable. Cette exigence fondamentale, tout au long de la vie professionnelle, qui trouve toute son application dans les sciences de la santé, permet d’envisager un autre savoir, le Savoir Devenir.

 

Résumé de la conférence de O. Armstrong, donnée à Iasi, au Centre de Réussite Universitaire de l’Université de Médecine et Pharmacie « Grigore T. Popa » le 25 avril 2017